Jean-Baptiste Bissonnet dirige les célèbres Boucheries Nivernaises, situées à Paris, avec la même passion et intégrité que ses ainés, et il envisage de poursuivre la saga familiale consistant à faire de la boucherie un art.
Texte : Mila Rodier I Photo : Pierre Monetta
Grill On 2016L'ART DE LA BOUCHERIE
L'héritage le plus sûr est celui des vertus. C'est ce que nous affirme un proverbe chinois et les Bissonnet, maîtres bouchers depuis Napoléon III, en sont un bon exemple : ils doivent en effet leur succès à leur dur labeur, accompli sous l'égide bienveillante de leurs aînés, et à l'amour authentique qu'ils portent à leur métier. Une chose est sûre : le droit de diriger les célèbres Boucheries Nivernaises – le nec plus ultra de la viande de qualité supérieure de Paris – n'est pas dû à un traitement de faveur ou au privilège d'être le « fils de... ». Chaque héritier de l'entreprise familiale doit faire ses preuves. Et se lever extrêmement tôt ! « Lorsque j'étais enfant, je me levais à 2 h 30 du matin pendant les vacances scolaires pour accompagner mon père à Rungis (le marché de gros de produits frais de Paris). Il me présentait aux mandataires, aux acheteurs et m'impliquait toujours dans les questions commerciales. Ce sont mes meilleurs souvenirs d'enfance », explique Jean-Baptiste Bissonnet, âgé de 31 ans et déjà directeur depuis ... six ans. « Je l'ai toujours encouragé à aller de l'avant et à entreprendre ses propres projets. La confiance est une valeur es-sentielle qui se transmet de génération en génération », ajoute Bernard, son père.
HOMME D 'AFFAIRES ET ARTISAN DE L'EXCELLENCE
Après cinq années de formation l'Ecole des Dirigeants et Créateurs d'entreprises, le jeune Bissonnet a jalonné sa carrière de stages de formation jugés « indispen-sables » avant de chercher à diriger la prestigieuse marque. Un stage au Great Eastern Hotel de Londres a notamment précédé un stage au Mercabarna de Bar-celone (le Rungis local). Au Brésil, il a travaillé dans les plus grands abattoirs du pays ; puis il a passé deux années à Genève pour percer les mystères de la finance et de la gestion commerciale. Tri-lingue et déjà très expérimenté, le jeune diplômé n'aurait cependant pas envisagé de prendre la barre du siège parisien, sis 99 rue du Faubourg Saint-Honoré, sans une formation à l'art de la découpe de la viande.
« J'ai rejoint le groupe en tant que boucher de façon à parfaitement connaître nos produits et nos collaborateurs et pour me perfectionner dans l'art de la découpe de tout type de viande. Ensuite, j'ai gravi les échelons un à un. »
« Jean-Baptiste peut entrer dans n'im-porte quelle salle de découpe et prendre un couteau pour rectifier une coupe.
Les bouchers l'accepteront sans sourciller. Ils savent qu'il est l'un des leurs ! », confie avec fierté son grand-père, Jean, 86 ans, qui a fondé les Boucheries Nivernaises en 1954. Perfectionniste et bourreau de travail, Jean-Baptiste a désormais quitté son ta-blier pour un costume trois-pièces. Mais son réveil sonne toujours chaque matin à 4 heures.
« Ces trois dernières années, j'ai fait ren-trer deux jours de travail en un. J'ai débuté sur le terrain, avec nos acheteurs et nos fournisseurs. Ensuite, j'ai enchaîné en restructurant le groupe. Et je continue à maintenir ce rythme de vie. » Et de fait, le jeune patron a mis en œuvre des changements radicaux : tous tacite-ment approuvés par les deux précédentes générations.
LE RESPECT DES AINÉS
Jean-Baptiste se souvient que son grand-père a quitté sa boucherie chevaline de Briare, dans le Loiret, en 1946, à l'âge de 17 ans, avec la vision que le rôle de l'ani-mal dans le cadre de la chaîne alimen-taire serait rapidement remplacé par celui d'un animal utilisé à des fins récréatives. Il avait quitté son foyer pour gagner l'Île-de-France, sans autre bagage que sa vision et son désir de conquérir Paris, avec le bœuf pour tout guide. Pari réussi et mise sur orbite des Boucheries Nivernaises dès 1954 à Suresnes, puis en 1959 rue du Fau-bourg Saint-Honoré. Les ouvertures se poursuivent avec l’implantation de points de vente dans les Centres Commerciaux dès 1969 tels que Parly 2 et l’acquisition des établissements Lalauze. Bernard, for-mé par son père dès son plus jeune âge, a su agrandir ce patrimoine, avec l'aide de son frère Michel. Du Président de la République aux tables les plus réputées de France, l'art de la découpe de viande des Boucheries Nivernaises est grandement sollicité. Avec l'acquisition en juillet 2013 du Coq Saint Honoré, le meilleur volailler de la capitale, la société compte à présent également le meilleur de la volaille dans sa gamme de produits. La qualité est une condition primordiale pour les Bissonnet qui s'en remettent aux côtes de bœuf Sim-mental de Bavière, aux veaux élevés sous la mère, aux carrés d'agneau de Lozère et du Quercy, au porc noir de Bigorre et aux volailles de Challans ou de Bresse. « L'excellence, voilà notre mot clé pour la prochaine décennie », ajoute Bernard. Ce mot clé ne leur est cependant pas étran-ger puisqu'il a été le leur ces deux der-nières décennies, permettant au groupe de traverser la crise de la vache folle de 1996 à laquelle une partie du secteur avait suc-combé. Avec la reprise de l'économie, les bouchers, ou du moins certains d'entre eux, ont regagné le respect du marché grâce à leur connaissance du métier.
« Nous sommes des artisans et non des vendeurs de viande. Nous respectons notre noble produit et maîtrisons à présent cet art qu'est la transformation de la viande en pièces découpées sur mesure pour nos clients. Nos bouchers garantissent la qualité de la viande et sa provenance, et ils conseillent les clients sur la manière la maturer et de la préparer. Les gens ont besoin de s'identifier à eux parce qu'ils font partie intégrante de leur quotidien », confirme Jean-Baptiste.
LA FIBRE DES VISIONNAIRES
Quelle est sa vision de l'entreprise ? Que pense-t-il de cette manière de la transmettre de père en fils ? Bernard loue la réactivité de son fils, sa nature autocritique et sa capacité à tirer son inspiration de l'expérience de ses prédécesseurs. Jean-Baptiste admire son père et son grand-père ; cependant, il parvient à s'émanciper des modèles de sa fonction.
« Tout le monde a son rôle à jouer à un moment ou un autre dans notre parcours personnel. Ce respect de la hiérarchie et de la famille est ce qui a maintenu vivantes la fibre et les valeurs de la famille Bissonnet sans restreindre notre libre arbitre. Nous ne nous contentons pas de marcher péniblement dans les traces des générations précédentes », souligne Jean-Baptiste. L'ouverture de son dernier projet, l'Atelier des Boucheries Nivernaises, à l'Haÿ-les-Roses, en juin 2015, témoigne de cette attitude. Il s'agit d'un laboratoire de viande ultra-moderne qui répond à toutes les normes et est entièrement dédié au sec-teur de l'hôtellerie et de la restauration. Et demain ? Il est bien possible que les Boucheries Nivernaises s'ouvrent à l'in-ternational si l'opportunité se présente. Il n'y a pas de frontière lorsque la boucherie se transforme en art... ■
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CHOISIR LE BON MORCEAU
CHOISISSEZ SELON VOS GOÛTS : DE LA BAVETTE, DE L'ONGLET, UNE HAMPE... DES MORCEAUX GOÛTEUX AUX FIBRES LONGUES. POUR UNE VIANDE TENDRE ET UNE TEXTURE MOELLEUSE, LE CHOIX SE PORTERA SUR LA CÔTE DE BŒUF, L'ENTRECÔTE ET LE CŒUR D'ALOYAU. PRIVILÉGIEZ UNE VIANDE BRILLANTE ET D'UN ROUGE VIF.
CE MORCEAU EXCEPTIONNEL DOIT RESPECTER DES EXIGENCES TRÈS SPÉCIFIQUES : LA VIANDE DOIT PROVENIR D'ANIMAUX ÉLEVÉS DANS LES MEILLEURES FERMES, ET ÊTRE PERSILLÉE, GRASSE, ÉPAISSE, MATURÉE ET JUTEUSE. APRÈS UNE MATURATION DE TROIS SEMAINES EN CHAMBRE FROIDE, LES MORCEAUX ONT UNE SAVEUR INOUBLIABLE.
CHOISIR LA BONNE CUISSON
GRILLEZ LA VIANDE PENDANT 4 OU 5 MINUTES DE CHAQUE CÔTÉ EN CUISSON DIRECTE. PUIS DÉPLACEZ LA VIANDE SUR LE CÔTÉ, DE SORTE À CE QU'ELLE NE SOIT PAS PLACÉE DIRECTEMENT AU-DESSUS DE LA SOURCE DE CHALEUR, EN LAISSANT LE COUVERCLE FERMÉ.
ASTUCE DE BOUCHER : APRÈS AVOIR RETIRÉ LA VIANDE DU FEU, LAISSEZ-LA REPOSER AVANT DE LA COUPER EN TRANCHES, PUIS SERVEZ IMMÉDIATEMENT !